Google et son véhicule robot n’ont qu’à bien se tenir. L’entreprise française Induct expérimentera bientôt son véhicule Cybergo, à conduite automatique et complètement autonome en énergie, en plein cœur de La Rochelle.

Un face à face avec les américains

Il faut dire que Cybergo a déjà un passif outre-Atlantique. La petite entreprise française a déjà tenté de se mesurer aux plus grands centres de recherche américains il y a quelques années à l’occasion des fameux concours de l’Agence de Recherche et Développement du Pentagone (DARPA). En 2005, elle était la seule équipe européenne à participer au DARPA Grand Challenge, une course de véhicules totalement autonomes sur un parcours de 200 km en plein désert de Mojave aux Etats-Unis. Elle poursuit deux ans plus tard en participant cette fois avec un Renault Scénic entièrement robotisé au DARPA Urban Challenge, dont l’objectif plus ambitieux était de faire rouler un véhicule robotisé dans un environnement urbain. Entre les deux « on a eu le temps de faire évoluer les algorithmes, l’intelligence embarquée. Le véhicule a su s’en sortir dans cet environnement en évitant les obstacles, les autres véhicules et en respectant la signalisation routière », rappelle Hassane Ouchouid, ingénieur R & D, en charge des modules d’aide à la conduite et planification de trajectoires chez Induct.

Fort de ce succès, Induct a voulu poursuivre son odyssée et travaille depuis deux ans déjà sur la conception de véhicules électriques intelligents qui puissent être exploitables en milieu urbain. C’est ainsi qu’est née la navette Cybergo fonctionnant de façon totalement autonome, sans chauffeur, et disposant d’un habitacle pouvant accueillir 6 à 8 personnes. Mais « la législation interdit aujourd’hui la circulation de ce type de véhicules sur les voies réglementées », autrement dit sur les routes classiques, rappelle Hassane Ouchouid. Cybergo pourra donc être tout à fait à son aise sur des espaces dédiés, telles que les zones piétonnières en complément des transports existants pour les derniers kilomètres, ou des zones à accès restreint comme les aéroports ou les parcs d’attraction.

Ce qui fait la particularité de Cybergo c’est donc sa capacité à se diriger seul, sans pilotage extérieur. « Il y aura 4 lasers à chaque coin de la navette qui vont permettre chacun d’avoir un angle de perception de 90 degrés chacun », afin d’éviter les dangers des angles morts, explique l’ingénieur. Ces capteurs intelligents et les résultats d’années de recherches sur des algorithmes, permettront à ce véhicule futuriste d’appréhender et d’analyser son environnement. Mais n’est-ce pas un peu risqué de lâcher un véhicule en pleine jungle urbaine ? Non, car les ingénieurs l’ont bridé dans un premier temps à une vitesse maximale de 18 km/h, une vitesse non létale en cas d’incident. S’il est gêné au milieu d’une foule, il sera possible de l’équiper d’un klaxon ou de « lui dire d’avoir un autre comportement en fonction de là où il circule », pour éviter qu’il ne stoppe de façon intempestive.

Autonome jusque dans ses batteries

Si Cybergo peut être équipé d’une batterie lithium-polymère pour se propulser, cette dernière ne serait pas suffisante pour une utilisation du véhicule en continu puisqu’elle devrait être rechargée régulièrement. « On se concentre aujourd’hui sur une deuxième solution, beaucoup plus originale, qui consiste à recharger le véhicule par induction », indique Hassane Ouchouid. Concrètement, la navette cache sous son plancher une plaque reliée à des batteries dites de super capacité : « ce ne sont pas des batteries chimiques mais qui fonctionnent sur un principe physique, comme des condensateurs », apprend-t-on. Des plaques similaires sont posées sur le sol et reliées à une borne elle-même reliée au réseau. Lorsque la navette passera au-dessus de ces plaques, elle s’alimentera automatiquement en électricité par biberonnage, donc sans aucun contact. Si le système nécessite cette infrastructure particulière mais relativement discrète, « les supers condensateurs emmagasinent pendant 15 secondes suffisamment d’énergie pour faire rouler le véhicule sur 1 km », note Hassane Ouchouid. L’idée serait donc d’en disposer tous les 500 m pour permettre à la navette de ne jamais être à court d’énergie et de pouvoir fonctionner jour et nuit sans arrêt. Cerise sur le gâteau, ces batteries ont « un nombre de cycle de recharges extrêmement important, de l’ordre de plusieurs millions de recharge, contrairement aux batteries classiques ».

Aujourd’hui, l’entreprise mise sur un tarif de commercialisation de base de 150 000 euros, qui n’est pas encore bien défini aujourd’hui. La première expérimentation mondiale qui devrait avoir lieu à La Rochelle dans le courant du premier semestre de cette année affinera sans doute les estimations. Sur ce projet, qui a pris un peu de retard, l’INRIA fournira les algorithmes, Induct le véhicule et La Rochelle qui a déjà voté un arrêté municipal autorisant la circulation de cet OVNI des transports, fournira l’environnement physique. La ville « a fait preuve d’une certaine volonté d’expérimentation », relève Hassane Ouchouid. On imagine déjà les ingénieurs de Google dans les starting-blocks. © Elsa Sidawy | 14.01.11 /www.innovcity.fr

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