Boulevard du Temple, Paris, 3ème arrondissement, Daguerréotype. Il s’agit probablement de la première photographie d’une personne vivante. Elle représente avant tout une rue fréquentée. Cependant, le temps d’exposition ayant dépassé 10 minutes, le trafic s’avéra trop rapide pour apparaître. Seul apparaît l’homme en bas à gauche, resté immobile le temps de faire cirer ses chaussures. Comme tout daguerréotype, l’image est inversée latéralement.

Détail de l'image Boulevard du Temple ci-dessus. Un homme remplit deux seaux à une pompe. D'autres silhouettes apparaissent peut-être moins nettement. C'est la première image photographique datée de personnes humaines.

Le plus intéressant reste qu’à cette même époque, certains daguerréotypistes plus hardis se libèrent des conventions de représentation de leur ville et explorent ainsi de nouveaux « points de vue » inédits. En 1845, Frédéric Martens met au point une chambre avec ouverture à 150 degrés pour réaliser des prises de vue panoramiques, technique qui sera également utilisée pour de célèbres vues du pont Neuf prises depuis la fenêtre de l’atelier de Lerebours, peut-être par lui-même. Ces vastes vues de la Seine, de près de 40 cm de long, léguées par Martens et quelques autres, constituent certainement les témoignages les plus spectaculaires de la daguerréotypie parisienne des années 1840.

Le Paris alors méconnu, montrant sa face peu illustre mais se révélant soudain ô combien charmante — des quais de Seine, des ponts, des complexes assemblages d’immeubles et des quartiers populaires, s’éveille au monde de la représentation picturale. Les clichés-cartes postales à présent si répandus dans le monde étaient alors inconcevables dans le cadre d’une perception « artistique ». Il aura fallu attendre les daguerréotypistes pour que les aspects insolites de Paris, comme ses immenses étendues de toitures, ou encore le charme fluide et lancinant de ses berges de Seine, suscitent l’intérêt du public et, plus tardivement, celui des artistes.
Quelques années plus tard, un tout autre motif vient animer les vues daguerréotypes de Paris. Après l’arrivée au pouvoir de Napoléon III, Haussmann s’apprête à réorganiser toute la ville, construire les grands boulevards, et détruire par conséquent de nombreux recoins de la capitale. Quelques daguerréotypistes perçoivent alors l’intérêt muséographique de leurs prises de vue, et beaucoup de lieux disparus ne survivent encore aujourd’hui dans la mémoire picturale que grâce à la daguerréotypie d’avant 1851.

Même si cet aspect mémoriel prêté aux daguerréotypes est dû surtout à notre vision moderne de la photographie, d’importants témoignages historiques subsistent néanmoins, notamment grâce aux daguerréotypistes parisiens ayant réalisé des prises de vues durant la Révolution de 1848. Mais ces traces sont extrêmement rares et souvent anonymes.

Certains ateliers de Paris réalisent par ailleurs des publications, parfois répondant à des commandes d’éditeur, parfois sur leur propre initiative quand ils en ont les moyens. Ces ouvrages, constitués de copies de daguerréotypes en gravure ou lithographies, étaient destinés à diffuser plus largement, sur papier, le travail de ces ateliers. Le plus célèbre reste celui publié par Lerebours en 1841, les Excursions daguerrienne s, où figurent de nombreuses vues des monuments de Paris. Fizeau et Chevalier ont beaucoup contribué à ces ouvrages, ayant mis au point plusieurs techniques de transformation directe ou indirecte de la plaque daguerrienne en planche à graver, afin d’obtenir des reproductions imprimées.
Suite