Alexa Meade, 24 ans, ne peint pas de portraits à partir de modèles vivants, mais sur des modèles vivants. Bluffant. A la galerie Irvine contemporary, une galerie d’art contemporain en vue de Washington, la jeune Alexa Meade peint une scène de plage. Son modèle, un jeune homme qu’elle a recouvert en partie de peinture, est assis sous un parasol, une partie du corps à l’ombre, l’autre à la lumière.

L’ombre est-elle vraie ou peinte, les reflets de la peau sont-ils chair ou acrylique ? L’ambiguïté entre le vrai et le faux est l’essence du travail de cette jeune artiste qui mêle peinture, photographie et performance.

«Je veux créer ma propre interprétation de la réalité, directement sur la réalité», dit la jeune femme à l’AFP, peu avant de réaliser une peinture-performance à l’occasion d’une exposition de quelques unes de ses oeuvres jusqu’à la fin du mois.

Le modèle peut être un ami, sa famille ou un commanditaire qui veut s’offrir une oeuvre de la jeune femme. Elle a réalisé une centaine de portraits et vit déjà de son art.
Alexa Meade va alors recouvrir de larges aplats de différentes couleurs, dans un style inspiré du fauvisme ou de l’expressionnisme, à la manière d’un portrait peint, le visage, la peau, les vêtements avec un mélange qu’elle a créé elle-même.

Il est à base de peinture acrylique non-toxique, dit-elle, associée à une dizaine d’ingrédients, produits de beauté ou de cuisine, et «ne sèchera pas trop vite, sera plus souple quand le modèle bouge et ne fait pas de craquelures». Il peut être retiré du visage comme un masque de beauté.

Elle peut ensuite décider, ou non, de peindre le mur derrière le modèle, le sol sur lequel il est assis, le décor de la pièce. Elle prend alors le tout en photo, qui sera vendue en galerie, à un prix tournant actuellement autour des 2’000 dollars.

Le travail peut prendre jusqu’à 40 heures

Sur l’une de ses photographies («double take»), la moitié de son propre corps et de ses vêtements est peinte. Cela donne un autoportrait étrange, moitié peinture, moitié photographie.

Le trouble est encore plus grand dans un double portrait («The Writer and Alexa») où l’artiste est assise, naturelle, comme incrustée dans un tableau représentant un homme assis, appuyé contre un mur repeint en jaune à la manière tourbillonnante d’un Van Gogh. L’homme assis est vivant, mais transformé en tableau.

Quelquefois, pour une performance, le modèle sort dans la rue et prend le métro («Transit»). «Les gens se demandaient ce qui se passait, ils n’osaient pas regarder», se souvient-elle.

«Elle peint un modèle en trois dimensions de manière à ce qu’il paraisse plat, en deux dimensions», affirme le galeriste Martin Irvine selon qui la jeune artiste «casse les catégories» entre peinture, sculpture, photographie. Alexa Meade, née à Washington, n’a jamais suivi de cours de peinture. Elle a étudié les sciences politiques à New York et a même travaillé pour Barack Obama pendant la campagne électorale de 2008, sans jamais arrêter de peindre.

«J’ai réalisé que même si la politique, c’était super, la peinture était ma passion, et que je ne serais jamais contente si je faisais quelque chose d’autre», dit-elle. ©20minutes.ch